mémoires d'un moine copiste

Mémoires d'un moine copiste

Au monastère, en des temps reculés, il était interdit de sourire et de rire, il était grand péché de le faire.
Je vivais dans une cellule froide et humide et je n'en sortais que pour me rendre à la bibliothèque. Tôt le matin, silencieusement je longeais un grand couloir, puis le cloître. J'allais travailler dans une grande pièce dont les magnifiques meubles embaumaient parfois la cire d’abeille venant des ruchers des jardins du cloître. Dans la bibliothèque, régnait en ce lieu une douce atmosphère propice à la méditation. Pendant les quelques heures de la journée où il faisait soleil, j’aimai cette lumière divine qui pénétrait le vitrail, venant caresser mes livres du jeu changeant de toutes les couleurs de l'arc en ciel. Au monastère, on m'avait attribué le travail de copiste, je retranscrivais les livres rares écrits par de sages érudits, j’étudiai les textes sacrés, j'approfondissais leur sens profond, leur spiritualité, je pénétrais ainsi la connaissance de DIEU en le priant continuellement au quotidien. Essentiellement, mes journées étaient simples, rythmées de travail, de prières, de silence, toutes ces nourritures spirituelles me remplissaient...
Dans le passé, orphelin encore enfant, j'avais répondu à un certain appel...c'est comme çà que je suis devenu moine.

Aujourd'hui je suis bien vieux, ma vue baisse inexorablement, je n'ai plus beaucoup de temps pour exprimer ce dont je veux vous dire et faire passer mon message. Alors je me dépêche du fond de ma bulle solitaire, c'est de là que je vous adresse mon testament spirituel :

Plus le temps passe, plus je faiblis après de longues années sans rire ni sourire, mon visage était devenu livide, pâle, figé, ridé, comme cristallisé.

Pourtant, j'étais encore jeune, je le constatais dans le reflet de ma cuvette qui me servait de miroir, après ma toilette quotidienne d'eau glacée sur mon corps maigre.
Un jour de ma cellule, alors que je regardais dehors par la fenêtre, j'ai eu la révélation :

Sur la branche d'un grand chêne centenaire, je vis un nid d'oiseau, et j'aperçus la mère partant chercher pitance pour nourrir les petits de sa nichée.

Mais le temps passant, à un moment j'aperçu un petit oisillon sortir maladroitement du nid, plus téméraire que les autres, impatient d' aller prendre son envol vers la vie.
Il essayait de voler, inlassablement en battant frénétiquement des ailes, en vain, peine perdue alors il tituba et tomba à même le sol, mais il se releva, un peu assommé ne sachant pas trop ce qu'il lui arrivait.
A la vue de ce tendre tableau, pour la première fois de ma vie, je souriais…
Une étrange émotion inconnue monta en moi me submergea de toute part, comme un irrésistible appel vers le monde extérieur, vers la vie...
Comme un volcan éteint depuis des millénaires, prêt à faire jaillir en surface l’incandescente lave de son cratère endormi.
Ainsi un matin, après mûre réflexion, je décidais de sortir du calme de ma cellule de solitude, je laissais à la porte du cloître mes habits de moine, j’endossais mon armure d’homme, je franchis les portes du monastère, et je partis heureux à la découverte du monde...

Pendant des lustres et des lustres, j'ai connu moûltes joies, j’ai assouvis mes fantasmes, j'ai largué les amarres, j’ai laissé vivre sans aucune retenue tous les appels de mes sens, mes vices, ainsi j’ai succombé aux délices des mille et une tentations terrestres. J’ai connu et aimé quantités de femmes, d'hommes ainsi mon corps a exulté ! J'ai fait bombance et orgie de tout jusqu’à plus faim et soif !

Je me suis même marié et je suis devenu l’heureux père de nombreux enfants.
Ensuite, j'ai connu les désastres, les misères, les vicissitudes, les chagrins de la vie. Ma femme et mes enfants ont tous été emporté par la maladie, et à ce moment là j’ai bien failli les rejoindre dans l’au-delà...
Après, je suis devenu un soldat du temple, j’ai connu les guerres, les famines, les fléaux, les temps jadis, ne pardonnaient rien. J'ai soigné des blessés, j'ai transporté sur mes épaules tant d’estropiés de guerres, ainsi j'ai côtoyé de près la grande faucheuse, mais elle n'a jamais voulu de moi.
Je n'oublierais jamais le visage de ce jeune guerrier avant de rendre l'âme, ses yeux m’ont regardé fixement, il ne disait mot mais dans son dernier souffle il m’offrit son ultime sourire...
Son sourire...

Alors, un jour de guerre lasse, fatigué, épuisé, bien las d’avoir trop voyagé, trop vécu, trop aimé, trop assouvi, trop guerroyer, tant de désordres avaient pris possession de mon âme, faisant de moi l’unique esclave de tous les désirs de mon corps. A force d'étourdissement, dans ce monde de perdition, finalement je me suis perdu dans ces exutoires, bien loin de moi, ainsi j'étais devenu quelqu'un d'autre en attente...
Alors tranquillement, un jour je choisis de rentrer à la maison, au monastère. J'étais prêt à revêtir ma robe de bure qui m'attendait là à la porte du cloître, et d’aller enfin rejoindre avec une grande plénitude, le silence salvateur de ma froide cellule...

Là où j'ai commencé ma vie, là je la finirais, et tout rentra dans l‘ordre...

Par la fenêtre, mes pauvres yeux aperçoivent toujours ce grand chêne bien vieux comme moi. Avec une grande joie, je regarde voler autour les descendants de ce petit oisillon qui un jour m’a montré le chemin de ma vie, ce petit oiseau qui m'a fait découvrir ce dont j'ignorais, essentiellement connaître le véritable sens de ma vie, sourire...

MAXIMUS38

Maximus !

Simplement, votre manuscrit m'a interpellé, sans doute il m'a rappellé l'ambiance de ces magnifiques films que sont AU NOM DE LA ROSE et aussi LE GRAND SILENCE ...
Je crois que ce moine copiste aurait pu laisser son habit sur la marche de ce cloître...

En attendant GRAND MERCI pour le partage de ce beau texte inspiré qui vient nous faire réfléchir sur le sens de notre vie ...

Samsara

mémoires d'un moine copiste Cloitr11

Cloitre de l'Abbaye de Royaumont ( Val d'Oise )

LE GRAND SILENCE

Merci SAMSARA pour vos encouragements,

Merci pour cette magnifique photo...

J'habite non loin du monastère de la grande CHARTREUSE, et je vous assure que cela vaut le détour

en fait vous me parlez du film le grand silence, c'est à cet endroit qu'il a été tourné, le réalisateur est resté

des mois sur place, en fin de compte il s'est mi à la place de ce que vivent les moines, afin de pouvoir tourner les scènes au quotidien de ces hommes qui vivent leur foi avec une intensité telle...

MAXIMUS

Grand merci pour ces magnifiques petites vidéos,

oui je confirme très beau film et magistralement interpreté par un SHEAN CONNERY

au meilleur de sa forme..

j'ai bien aimé ce passage quand il fait découvrir à son élève,sur un vieux livre dans la bibliothèque du monastère...

UN ANE ENSEIGNANT AUX EVEQUES....

Ces monastères qui abritent ces trésors, ces vieux livres, doivent détenir sans nul doute des secrets, et des vérités de plus bien gardés....

Admin Nombre de messages : 3583 Age : 104 Date d'inscription : 11/12/2006

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«Dans le silence et la solitude, on n’entend plus que l’essentiel.»
Camille Belguise

Merci beaucoup Maximus pour ce texte très émouvant et à toi Samsara pour ces très belles vidéos !
L’existence de ces moines n’est rythmée que par les changements de temps, de saison, et les prières…
Je me demande tout de même, si tout ce temps passé dans le recueillement et la méditation est une façon de voir la vie autrement ou de s'enfermer un peu plus sur soi même ?

Qu’est ce qui a pu attirer ces hommes pour accepter tant de renoncements ?

Bonne journée.....

Un jour un moine m'a dit ceci,

Il a parlé d'un certain appel de DIEU,

"" quelle utlité, quelle joie divine, me dit il la solitude et le silence du désert apportent à qui les aime, ceux la le savent qui en ont fait l'expérience. Ici les hommes forts peuvent tout à loisir rentrer en leur intéroieur, y habituer, cultiver assidûment les germes des vertus et se nourrir avec bonheur des fruits du paradis.
Ici on s'efforce d'acquérir cet oeil dont le clair regard blesse l'époux d'amour et dont la pureté donne de voir DIEU.
Ici on jouit d'un loisir sans oisiveté on se repose dans une action tranquille ici, pour le labeur du combat, DIEU donne à ses athlètes la récompense désirée: une paix que le monde ignore et la joie dans l'esprit saint. T'elle est la meilleure part que MARIE a choisie et qui ne lui sera pas enlevée"".

En espérant que ces quelques phrases auront répondu aux questions essentitielles et existentielles que tu viens de me poser...

Moi je ne dis que deux choses christina,

La véritable religion n'est elle pas celle de notre coeur?

Si tu es contre DIEU tu es contre l'homme

MAXIMUS

Admin Nombre de messages : 3583 Age : 104 Date d'inscription : 11/12/2006

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Bonsoir Maximus

Tu fais référence au très beau chant georgien ....

SADNESS

Enigma

Grand merci,

Pour cette petite vidéo

En fait j'aime bien cette artiste, elle a su préserver quelque part ce mystère qui fait d'elle

ce qu'elle est...et ces petites vidéos sont vraiment de petits films vraiment bien interpréter, réalisé par un LAURENT BOUTOUNNAT très habile dans ce genre.

MAXIMUS

LA GRANDE CHARTREUSE EN ISERE
L'ordre le plus draconien de l'église travail, prières, silence ...

LE MONASTERE DE LA GRANDE CHARTREUSE

Merci pour ces magnifiques petites vidéos,

Je connais fort bien cet endroit pour m'y être rendu plus d'une fois,
le site est magnifique de beauté, le village voisin est SAINT PIERRE DE CHARTEUSE,
le musée est très interressant à voir, nous pouvons voir ce que vivent les moines au quotidien..
leur histoire, leur vie, à quoi ressemble une journée de sacerdoce...

La fabrication de cette liqueur, un secret qui se transmet d' ABBE en ABBE depuis la nuit des temps,et qui comporte des dizaines de plantes cueillies dans la nature... se trouve à VOIRON,que nous pouvons aussi visiter, Voir, Savoir, Comprendre...

mais en abuser modérément sourire...

MAXIMUS

AU MOYEN AGE, L' HISTOIRE DES MANUSCRITS ET DES ENLUMINURES DES MOINES COPISTES

Après l'effondrement de l'empire romain, la culture occidentale se réfugie dans les monastères où se développent des ateliers de reproduction des manuscrits antiques : les scriptoria. Dans les scriptoria, les moines recopient et illustrent surtout des textes religieux mais aussi des textes de l’Antiquité.

Le scriptorium.
Le scriptorium est un atelier d’écriture. Dans le scriptorium travaillaient des moines-copistes et des enlumineurs. Pratiquement chaque grand monastère, abbaye ou couvent possédait à un moment donné un scriptorium. Citons le couvent du Mont Sainte-Odile où fut créé l'Hortus Deliciarum, ou encore l’abbaye de Marbach où fut réalisé le Codex Guta-Sintram… Il y régnait une intense activité dès qu’une abbaye avait l’intention de se constituer une grande bibliothèque. Les scriptoria les plus actifs ne travaillaient pas uniquement pour leur propre monastère mais jouaient un rôle analogue à une maison d'édition en fournissant en copies les princes, les églises et d'autres monastères.

Travail de copie.
Les copistes sont assis sur des bancs, appuyés sur un pupitre incliné : le lutrin. Avant de commencer le travail de copie, le copiste prépare sa page. Il crée une marge. Il trace des traits verticaux et horizontaux qui délimitent l’endroit où il écrira le texte. Pour ce travail de préparation, il utilise un crayon à la mine de plomb, une règle, un compas et des cahiers de parchemin sur lesquels il écrira.
Il donne ensuite le parchemin à l’enlumineur qui détermine la place réservée aux dessins et aux lettres décorées. Ensuite, il écrit le texte soit en le recopiant, soit sous la dictée. Il écrit avec une plume d’oie qu’il trempe dans l’encre noire.
La marge n’est pas toujours un espace vide mais bien souvent elle est remplie de commentaires sur le texte. Ces commentaires sont écrits dans des caractères plus petits que le texte principal.

L'enluminure.
Une fois le texte copié, c’est l’enlumineur qui a la charge de décorer le manuscrit avec des dessins : les enluminures. Les enluminures sont des décors peints à la main ornant les pages des manuscrits du Moyen-Age. Elles servent de repère dans le texte, l’illustrent et décorent la page. Certains manuscrits enluminés sont magnifiques car au Moyen-Age rien n’était trop beau pour honorer Dieu.

Ecritures.
A partir du VIIIe siècle, le moine-copiste utilise l’écriture caroline dont les lettres sont arrondies, bien détachées les unes des autres et facilement lisibles. Elle restera en usage en Europe jusqu’au XIIe siècle. Au XIIIe siècle, l’écriture devient plus anguleuse : c’est l’apparition de l’écriture gothique qui se répand dans toute l’Europe.

Source bibliothèque alsatique.

Grand merci pour vos travaux de recherches,

Ils détaillent bien les maitrises de cet art que dominent les moines copistes..

Je trouve dommage que ce ne soit vu au grand public qui sait un jour peut être?

Cela me fait penser quelque part à ce magnifique travail que font les moines BOUDDHISTES

sur leurs mandalas, exigence, patience, minutie absolue...

MAXIMUS

Maximus !

Mais détrompez vous !

Ce genre de manuscrit rare du moyen age est tout à fait visible par le plus grand nombre où...?
Au musée Condé au Chateau de Chantilly en région parisienne dans L'Oise. Notamment le célèbre manuscrit :
" Les très riches heures du Duc de Berry " un magnifique bréviaire d'enluminures...

Les Très Riches Heures du Duc de Berry est probablement le plus important manuscrit enluminé du 15e siècle, c'est " le roi des manuscrits enluminés ". C'est un livre très richement décoré de la durée contenant plus de 200 folios, dont environ la moitié sont des illustrations pleine page.

Il a été peint quelque part entre 1412 et 1416 par les frères Limbourg pour leur patron Jean, duc de Berry. Ils ont laissé inachevé à leur mort en 1416. Charles Ier, duc de Savoie ainsi le recommande à Jean Colombe pour finir les peintures entre 1485-1489.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Tr%C3%A8s_Riches_Heures_du_duc_de_Berry

' source wikipédia '

SAMSARA

Château de Chantilly ( Oise )

mémoires d'un moine copiste 600px-10

Le musée Condé ( château de Chantilly )
Le cabinet des livres où se trouve ce manuscrit d'enluminure du moyen âge.

Admin Nombre de messages : 3583 Age : 104 Date d'inscription : 11/12/2006

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Merci Maximus d’avoir amorcé un sujet aussi passionnant et inépuisable !
C’est un plaisir de venir vous lire toi et Samsara …aussi férus l’un que l’autre ...
Vous êtes parmi les 10 meilleurs sujets du forum en deux semaines !
Lus 360 fois!!

Bravo à vous deux !

Merci Christina !

Pour ma part, j'ai beaucoup appris avec " les mémoires de ce moine copiste " ...
Simplement, depuis la nuit des temps il est venu me parler et il m'a apporté beaucoup de choses à vous transmettre ...

Comme le partage vers PAUSE CAFE de toutes ces informations, et ce fut là un véritable bonheur...

Quelque part...GRAND MERCI à Maximus pour avoir été le grand initiateur inspiré de cet opus monastique...

Samsara

Merci SAMSARA,

je suis touché part tant de messages de compassions et d'attentions que vous formulez sur ce moine copiste...

Je vais revenir pour vous apprendre son parcours initiatique, son apprentissage, depuis son appel,

jusqu'à son travail que je viens de relater...

MAXIMUS

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